• La Culture du Cerisier dans la Région de Miliana

    La Culture du Cerisier dans la Région de Miliana
    La Culture du Cerisier dans la Région de Miliana 
     
     
    RAPPORT Présenté par M. E. MOATTI, (Ingénieur Agricole, Arboriculteur à Miliana )
    congré 30 Mars à 01 avril 1931

    Considérations Générales La région du Zaccar dont Miliana est le centre est remarquable par ses vergers exposés au Sud, disposés en terrasses et produisant d'excellents fruits appréciés depuis longtemps dans tout le Nord Africain, mais ce sont surtout les bigarreaux qui ont fait la réputation de Miliana. Le cerisier trouve en effet réalisées sur les pentes du Zaccar, les conditions les plus favorables à une bonne végétation et à une fructification parfaite : grande lumière et plein air, terres légères et fraîches (éboulis de pente) au Nord de la route de Levacher à Margueritte ou marnes du Carténien s'égouttant assez bien en raison de la pente et de leur aménagement en plates-bandes, au Sud de la même route. Malheureusement, dans presque tous les vergers de Miliana, que ce La Culture du Cerisier dans la Région de Milianasoit vers l'Est, au quartier Hammama mais surtout au Sud vers Affreville aux quartiers Anasseur, Aïn Berkouk et Zougoula ou vers l'Ouest au quertier de l'Oued Reban, le cerisier est cultivé en mélange avec d'autres essences fruitières, sans ordre, sans taille, sans soins d 'entretien, presque toujours avec des cultures maraîchères intercalaires d'été. Dans certaines propriétés viticoles de Levacher, des environs de Miliana et de Margueritte, de même que vers Aïn N'Sour, il existe des cerisaies plus ou moins importantes, plus ou moins bien conduites, mais ne présentant pas encore un caractère commercial comparable à celui de cerisaies de France.

     

    La Culture du Cerisier dans la Région de Milianaaprés  nombreuses années à améliorer et à intensifier la culture du cerisier dans la région du Zaccar, en donnant lui-mëme l'exemple, j'ai nommé feu Hilaire TROUCHE, dont la propriété, située dans le quartier Hammama, actuellement exploitée par M. MICHALET, son gendre, possède la plus ancienne et la plus importante cerisaie de la région. Suivant cet exemple, d'autres propriétaires se sont efforcés de créer des cultures commerciales de bigarreaux, dans les éboulis de pente, dans les sables frais des traversins, votre même dans certains schistes friables, grâce à l'emploi de l'explosif agricole pour la préparation des trous de plantation ; en disloquant le sous-sol à des porfondeurs allant jusqu'à trois mètres cinquante, l explosif a permis de constituer une épaisse couche de terre ameublie et, ce qui est surtout intéressant, de retenir les eaux de pluie en les forçant à s'infiltrer, dans ces entonnoirs fitrants que constituent ces trous de plantation, de sorte que chaque arbre possède une réserve d'humidité où les racines trouvent en été l'eau qui leur est nécessaire. On réalise, de la sorte, une sorte d'irrigation souterraine sans risque d'asphyxie pour les racines. La sélection des variétés de cerisiers cultivés dans la région de Miliana semble réalisée pour la production relativement réduite du moment, mais nous estimons, pour l'avenir la nécessité de rechercher aus'si bien dans des vergers particuliers d'expérimentation qu'à la station d'arboriculture, de nouvelles variétés présentant un caractère commercial plus accentué en vue d'alimenter les marchés éloignés de Miliana. Comment cultive-t-on le Cerisier dans la région ? Porte-greffes. — La plupart des petits propriétaires européens et indig'ènes utilisent le cerisier qui pousse naturellement sur les plateaux du Zaccar avec des racines plus ou moins pivotantes, plus ou moins saines (pourridié) comme sujets ; souvent même, dans les jardins, on greffe sur franc, quelles que soient les distances auxquelles se trouvent les rejets : c'est ce qui explique un peu l'aspect de forêt vierge que présentent les vergers, surtout sur la route de Miliana à Affreville. Le Mahable ou Sainte-Lucie se rencontre très peu comme porte-greffe dans les vergers de Miliana. On greffe soit en fente soit à l'écusson. Une pépinière communale a fourni pendant de nombreuses années des cerisiers greffés avec les variétés du pays, mais par suite du manque de soins apportés aux arbres, cette pépinière a été supprimée. Dans deux ans, la station d'arboriculture fruitière sera à même de livrer des arbres de choix.La Culture du Cerisier dans la Région de Miliana Mais de nombreux propriétaires dans les régions non soumises à l'irrigation, au Nord de la route nationale d'Oran à Alger et au douar Adélia ont planté des arbres provenant de pépinières d'Avig'non, d'Ille-sur-Têt ou de Crest (Drôme), arbres greffés sur Mahable ou Sainte-Lucie, porte-greffe remarquable pour les terres calcaires du Zaccar. Nous avons obtenu avec le Mahable des arbres pouvant se conduire en petites formes, ce qui est très intéressant pour la cueillette et les traitements et donnant des fruits plus gros, plus savoureux, mûrissant de 5 à 10 jours, selon les variétés, plus tôt que ceux provenant de cerisier greffés sur merisiers. Le Mahable fait merveille dans les plantations aux explosifs agricoles, en terrains en pente, non irrigués ; il n'occupe pas dans les cerisaies la place prépondérante qu'il devrait avoir. Taille. — La conduite de l'arbre exige, dès la première année, une taille appropriée à la hauteur de tige que l'on veut conserver. Dans les petits vergers des environs de Miliana, Dame Nature est maîtresse absolue de la formation du cerisier ; la forme libre à haute tige domine dans les terres fortes surtout. Il en existe de très beaux spécimens, mais tous ceux qui sont cultivés en association avec les cultures irrigtiées d'été, ne vivent pas longtemps, ils sont atteints de chlorose et de pourridié provenant de l'excès d'eau dans lequel vivent les racines, qui meurent asphyxiées. La basse tige convient parfaitement aux arbres greffés sur Sainte-Lucie. L enlèvement du bois mort en hiver, quelques pincements effectués pour équilibrer la végétation ne sont guère pratiqués que par quelques propriétaires ayant des plantations assez importantes. Maladies. — Traitements anticryptogamiques et insecticides. La gomme, la chlorose et le pourridié causent de gros dégâts aux cerisiers des vieux vergers de la région ; la cause principale de ces affections réside surtout dans l'excès d'humidité que les irrigations d'été des cultures maraîchères intercalaires donnent aux racines : il en résulte une asphyxie plus ou moins accentuée de ces dernières qui pourrissent et finissent par provoquer la mort de~ arbres. Les jeunes plantations sont souvent touchées par les attaques de Capnodis ténébrionis dont la larve-marteau n'est pas toujours facile à détruire ; jusqu'à ces dernières années, aucune lutte sérieuse n'était entreprise contre cet insecte, ni contre les larves d'hipponomente. La constitution d'un Syndicat de défense contre les ennemis des cultures et les nombreuses démonstrations pratiques de traitements faites avec le con- • cours empressé du service de l'inspection de la défense des cultures nous permettent d'espérer que la généralisation des traitements insecticides et anticryptogamiques permettra, sous peu, de préserver nos arbres fruitiers, les cerisiers y compris, contre les attaques de leurs ennemis. Amendements. Fumures.

     

     

    — De nombreuses terres argileuses gagneraient beaucoup à receLa Culture du Cerisier dans la Région de Milianavoir chaux ou plâtre, étant pauvres en chaux ou décalcifiées. L'emploi du sulfate de fer nous a donné d excellents résultats pour revivifier de très vieux cerisiers dans des éboulis de pente et son emploi généralisé dans les vergers à terrains marneux, permettra de prolong'er la vie à de nombreux arbres. Cet emploi du sulfate de fer commence à être connu des vieux jardiniers. Dans les jardins, où il est en cultures associées, le cerisier reçoit ou, plutôt, profite des fumures données à ces cultures mais souvent ces fumures arrivent à contre-temps, quand la végétation du cerisier commence à décliner. C'est surtout le fumier de ferme qui forme la base de ces fumures ; l'emploi des engrais minéraux se généralise de plus en plus surtout dans la culture des pommes de terre. Il reste encore beaucoup à faire dans cette voie ; dans les cerisaies, en dehors des cultures maraîchères, certains propriétaires appliquent les principes de la restitution aux arbres des principes fertilisants enlevés aux sols par la récolte de cerises. Le cerisier est très sensible à l'apport de sulfate d'ammoniaque et de potasse ; on obtient par l'emploi de ces engrais des fruits plus beaux, plus fermes et qui tiennent mieux après la floraison. Variétés cultivées.

     

    La Culture du Cerisier dans la Région de Miliana

    — La région de Miliana cultive un certain nombre de variétés, bien adaptées au climat et aux terrains ; nous les classerons comme suit : VARIETES DESTINATIONS EPOQUE DE EMATURITE Bigarreau Marseillaise Consommation 2me quinzaine de Mai Bigarreau de Miliana (dérivée du Napoléon) Consommation et Confiserie lre quinzaine de juin Bigarreau Pélissier Consommation — Bigarreau gros cœur Consommation et Confiserie :

    - Bigarreau Jaboulay 

    - Bigarreau Tigré 
     

                                Ici, comme dans presque toutes les régions proudctrices de cerises de France et d'Algérie, la standardisation à la base est réalisée pour les variétés cultivées ; cependant, comme nous l'avons écrit au début de cette étude, il serait intéressant de propager d'autres variétés de maturité progressive pour ne pas avoir une récolte qui arrive en masse au moment donné, provoquant parfois un avilissement désastreux des cours. Vente. — De très nombreux petits producteurs vendent leur récolte sur pied à des commerçants exportateurs indigènes qui alimentent surtout les grands centres de consommation comme Alger et Constantine, et les marchés régionaux : Affreville, Teniet-el-Haad, le Sersou, Orléansville, Duperré. L'approvisionnement du marché local n'est pas toujours assuré d'une façon régulière. Les cerises sont apportées au marché ou livrées aux exportateurs en marchandises tout venant, car souvent la cueillette n'est faite qu'en une seule fois, provoquant un mélange de cerises à point et de cerises pas mûres. Avec une fruticoop bien organisée, il serait possible de faire une récolte échelonnée qui permettrait de classer les fruits en extra choix, en choix et en tout venant, ce qui donnerait certainement un revenu fruitier plus important aux producteurs. Améliorations à apporter à la culture du cerisier. - L'extension des cultures de cerisiers dans les jardins où les cultures maraîchères constituent l'élément essentiel du système de culture, n'est pas à conseiller pas plus d'ailleurs que dans les terres trop argileuses, trop fortes où l'aération se fait mal et où l'humidité peut être excessive.

    Dans les éboulis de pente, dans les sables, dans les schistes friables, tout le long de la route nationale de Miliana à Margueritte, il y a des possibilités de faire de grandes plantations commerciales de cerisiers même sur les pentes, en utilisant l'explosif agricole, comme nous l'avons indiqué, dans un chapitre précédent. D'assez grandes étendues de terres, servant à l'heure actuelle de paccage pour les chèvres ou mal cultivées dans la région de Hammama surtout, pourraient être revalorisées en cultures fruitières (cerisaies surtout) et accroîtraient ainsi la prospérité des petits propriétaires indigènes et européens, pas encore édifiés, malgré les exemples qu'ils ont sous les yeux sur les avantages de l emploi de l'explosif dans les plantations d'arbres en terres non irriguées. Il serait possible de revivifier certains vieux cerisiers des vergers milianais en sous-soldant, à l'automne, au moyen de l 'explosif, et en employant le sulfate de fer, au moment du départ de la végétation. Nous estimons que le Mahable ou Sainte-Lucie n'a pas, comme porte-greffe, dans notre région, la place qu'il devrait occuper dans les terrains légers du Zaccar ;

                                   dans nos vergers personnels, nous l'utilisons sur une grande échelle et sommes très satisfaits des résultats obtenus. Les traitements contre les insectes et cryptogames ont d'autant plus de raisons d'être exécutés d'une façon méthodique dans les vieux verg'ers que, souvent les cerisiers mêlés aux autres essences en plantation serrée, souffrent de manque d'air et de lumière. Les plantations nouvelles de cerisiers doivent se faire en lignes régulières, dans les mêmes conditions qu'une plantation de vignes, de façon à permettre l'exécution de labours et de scarifiages en toute saison pour maintenir un sol constamment ameubli. De novembre à mars, des cultures intercalaires de légumineuses (fèves, petits pois) peuvent à la rigueur être tolérées ; à cette époque de repos des arbres, ceux-ci ne sont en rien gênés ,et ces légumineuses enrichissent le sol en azote. C'est la seule façon rationnelle d'obtenir des fruits plus fer, mes, plus g'ros, plus colorés surtout si les arbres ont été formés en basses tiges, plus abritées des vents. Il y aurait lieu, disions-nous, de rechercher de nouvelles variétés à mâturité échelonnée tant pour la consommation que pour la confiturerie,voire même pour la production du Kirsch. Nous expérimentons dans nos propriétés les variétés suivantes: Bigarreau Précoce De Bale Bigarreau d’italie Bigarreau moreau Bigarreau emery Bigarreau abbesse de moulins Pour la Consommation locale , l’exploitation et la Confiserie Des cerisiers à fruits noirs de l'Est de la France (Doubs, Vosges) sont aussi plantés dans un verger d'essai, en vue de leur utilisation pour la fabrication d'un Kirsch du Zaccar. Telles sont les amélioration que nous voudrions voir se réaliser dans la région de Miliana, en vue d'inetnsifier, en quantité et en qualité, notre production de cerises ; les mêmes conclusions peuvent s'appliquer aux régions similaires algériennes (Tlelilcen, Mascara, Kabylie, Sahel). La cerise « Habb El Moulouk », ou fruit des rois des Indigènes, peut aussi être considérée comme le roi des fruits à l'époque où elle arrive sur nos marchés; sa consommation et son utilisation industrielle peuvent être augmentées dans de grandes proportions, si l'arbre est cultivé commercialement en vue de produire non pas des fruits de luxe, mais des fruits à la portée de tous. Produisons donc de belles cerises, nous ne serons jamais embarrassés pour les vendre, car le marché intérieur algérien les absorbera facilement, ne craignant pas d'importation étrangère, surtout si l'organisation coopérative pour la transformation et la vente des fruits se généralise en Algérie comme en Californie. M. CHASSET à M. MOATTI. — Je vous fais remarquer que si vous greffez des bigarreaux sur un cerisier, l'arbre produit, puis meurt. Vous ne parlez que des variétés locales, mais nous avons, à Lyon, le bigarreau Moreau qui réussirait et dont les fruits viendraient tôt. Si vous voulez faire du commerce, il faut avoir des fruits qui ne soient pas habités et le bigarreau Pélissier a des asticots.

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    M. PELEGRI. Nous avons le bigarreau Moreau ; il est chez nous en pleine vigueur ; j'en ai de neuf ans qui n'ont jamais produits. Le bigarreau japonais est plus intéressant. M. CHASSET n'a pas fait de cerisiers en Algérie, nous savons que leurs fruits doivent être consommés sur place et ne sont pas appelés à chercher des débouchés nouveaux. M. BRICHET.— Je suis oblig'é de relever quelques faits : Pour ce qui est du bigarreau, je dois dire qu'il est le seul qui résiste au climat chaud. Pour toutes les variétés il y a une question d'adaptation à la température. La taille des arbres fruitiers revêt un caractère spécial dans notre pays. La taille est basée sur la façon de végéter des arbres. Le poirier a quelquefois une, deux et trois vég'étations. Parfois en mai la végétation s'arrête, les yeux se ferment, la végétation est latente. Qu 'un temps plus frais revienne, le poirier repart. Ici, sous notre climat algérien, on ne peut appliquer la taille d'Europe. M. PERRONNE. — En ce qui concerne le choix du cerisier, je préconise le Saint-Lucien. Quant à la taille du cerisier, je dirai qu'il ne faut guère le tailler, à moins qu'il ne souffre de la chaleur. Démonstrations pratiques de Miliana C'est le dimanche 31 mai que se sont déroulées, à travers les magnifiques vergers de Miliana, les démonstrations pratiques prévues pour cette région au programme des « Journées de l'Arbre Fruitier ». La Compagnie P.L.M.,

    les Chemins de fer Algériens de l'Etat et le Comité d'organisation avaient, d'un commun accord, confié à un Comité local, présidé par M. MOATTI, le soin de préparer cette organisation qui provoqua la venue à Miliana d'un grand nombre d'agriculteurs de la région. Les invités officiels et techniciens aimablement accueillis par la Municipalité et les membres du Comité local, furent, dès 6 heures du matin, conduits avec tous les visiteurs, à travers les plus belles propriétés arboricoles du pays, notamment celles de M. MICHALET, Maire et de M. MOATTI, Président des Associations Agricoles d'Affreville. Après cette visite pleine d'intérêt, les démonstrations pratiques préparées dans un magnifique verger, se déroulèrent dans un ordre parfait sous la direction éclairée de M. DELASSUS, Inspecteur de la Défense des Cultures. Les appareils modernes et produits chimiques recommandés pour la lutte contre les parasites des arbres fruitiers, furent l'objet d'explications attentivement écoutées par les nombreux propriétaires de la région qui suivirent avec un réel intérêt la mise en action et le rendement des appareils actionnés. M. le Lieutenant-Colonel pharmacien PIÉDALLU procéda ensuite à quelques expériences d'explosif agricole en faisant sauter quelques cartouches par le feu ou l'électricité. Quelques instants plus tard, toute l'assistance était invitée à l'inauguration de la Pépinière régionale dont M. MICHALET fit l'historique. Puis l'on se rendit au cinéma pour entendre la très intéressante causerie de M. MATHIEU sur la standardisation des fruits et primeurs et assister à la projection du film documentaire sur l'explosif agricole dont l'emploi avait été recommandé quelques heures auparavant par M. le Lieutenant-Colonel PIÉDALLU. Pour achever cette série de manifestations, les intéressés visitèrent une exposition d'emballages qui avait été aménagée au Jardin Magenta. Des explications fort intéressantes furent données par M. CARDINAL et LAMOTTE D'INCAMP sur les modèles exposés de caissettes et cag'eots et les boîtages métalliques. A midi, les invités étaient réunis avec les membres des Associations Agricoles de Miliana en un repas amical à l'Hôtel du Commerce.


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